Conciliation famille-études

Le rapport aux études s’est modifié : les populations étudiantes au cheminement traditionnel (à temps plein, en continu ou sauf l’été pour le travail étudiant) sont devenues minoritaires et les profils atypiques se sont multipliés[1]. Par conséquent, de nombreuses personnes aux études poursuivent leur formation tout en ayant des responsabilités parentales, de proche aidance et/ou professionnelles. Cependant, parce que le système et les programmes gouvernementaux (accès aux emplois axés sur la carrière, aux bourses facultaires, etc.) favorisent le parcours traditionnel, ils discriminent de manière systémique les étudiantes et étudiants ayant des responsabilités parentales ou de proche aidance.

Sans système de protection équivalant à ceux mis en place pour les salarié.e.s, les étudiant.e.s qui sont parents ou proches aidant.es sont plus nombreux que la moyenne à interrompre et à abandonner leurs études[2]. Très peu de mesures existent dans les établissements d’enseignement pour fournir de l’aide financière aux études ou des bourses d’études et de recherche pour les parents et les proches aidant.e.s qui sont aux études. De plus, ces mesures ne prennent pas en compte les réalités féminines de la parentalité (grossesse, accouchement, allaitement, période postnatale, charge mentale, attentes sociales supérieures pour les mères, partage inéquitable des tâches entre les parents, etc.). Les demandes d’accommodement sont gérées au cas par cas, de façon arbitraire et très souvent inéquitable. En outre, des parents aux études se trouvent exclus de programmes sociaux ou de la politique familiale québécoise : Régime québécois d’assurance parentale, retrait préventif pour femmes enceintes ou allaitantes, Loi sur la santé et la sécurité au travail ou la Loi sur les normes du travail en ce qui concerne la limitation de leurs disponibilités, et RAMQ pour les étudiant.e.s étrangers.

Il en résulte que les étudiant.e.s parents et proches aidant.es vivent majoritairement dans la pauvreté, que des femmes enceintes manipulent des produits toxiques dans les laboratoires, que des mères reviennent en stage quelques jours après leur accouchement, que des parents s’épuisent à tenter de satisfaire aux exigences reliées à leur programme d’études. L’absence de mesures de conciliation famille-études, de même que l’absence de recours lorsque des problèmes surviennent, engendre un stress et une précarité qui ont un impact sur le bien-être de toute la famille[3]. Les femmes, en vertu du rôle biologique et social qui leur est généralement assigné, sont plus à risque parmi les groupes suivants :

  • les étudiants monoparentaux ;
  • les étudiantes enceintes ;
  • les parents aux études ayant de jeunes enfants ;
  • les parents aux études ayant des enfants avec des besoins particuliers ;
  • les parents aux études dont le statut d’immigrant les prive de plusieurs services publics essentiels ;
  • les proches aidant.e.s étudiant.e.s responsables d’une personne âgée, malade ou handicapée de façon temporaire ou permanente ;
  • les proches aidant.e.s dont la santé peut être mise à mal par le cumul des charges et qui déboursent eux-mêmes des frais atteignant jusqu’à 7 600 $/an pour subvenir aux besoins de leur proche[4].

25 % des étudiants universitaires sont parents ;

75% des parents aux études sont des femmes ;

2 à 5% des étudiants sont aussi proches aidant.e.s dont la majorité sont des femmes.

(Données de l’enquête ICOPE 2011)

Pour les membres de la Coalition, il est évident que les problèmes de conciliation entre les études, la famille et la proche aidance ne relèvent pas du manque d’organisation des personnes qui vivent ces problèmes. Comme pour la conciliation travail-famille, ces problèmes sont plutôt directement liés aux règles qui régissent le fonctionnement du monde de l’éducation et à l’absence de dialogue entre les différentes parties. L’adaptabilité imposée aux parents et aux proches aidant.e.s par les milieux de travail et d’études ne doit plus reposer uniquement sur les individus. La Coalition estime qu’il est urgent de se pencher sur les enjeux entourant l’aménagement et la réduction du temps de travail ou d’étude, car ceux-ci sont déterminants pour arriver à concilier la famille, le travail et les études.

Ainsi, la Coalition pour une conciliation famille-travail-études revendique notamment :

  • des prestations de base pour toute personne vivant une grossesse, une naissance ou une adoption;
  • une modification à la Loi sur la santé et la sécurité du travail afin que les travailleuses autonomes, incorporées ou non, et les étudiantes stagiaires puissent se prévaloir des dispositions relatives au retrait préventif de la travailleuse enceinte;
  • une modification aux aides financières aux études afin que les étudiantes puissent se prévaloir des dispositions relatives au retrait préventif, selon la durée prévue par la Loi sur la santé et la sécurité du travail;
  • des mesures et accommodements pour permettre à la travailleuse ou à l’étudiante qui allaite de le faire dans un lieu propice et d’avoir accès aux installations nécessaires;
  • un réinvestissement dans les services éducatifs à la petite enfance et en milieu scolaire;
  • une augmentation du nombre de places dans les services éducatifs à la petite enfance, en particulier dans les CPE situés à l’intérieur ou à proximité des établissements scolaires (écoles, cégeps, universités) ainsi que dans les milieux familiaux régis et subventionnés à proximité ;
  • des places réservées dans ces services éducatifs à la petite enfance pour les enfants dont les parents sont aux études;
  • que le gouvernement reconnaisse les organisations dédiées aux étudiant.e.s parents et proches aidant.e.s et assure le financement adéquat de leur mission;
  • que le statut réputé temps plein soit octroyé aux parents aux études qui cheminent à temps partiel selon les mêmes modalités et critères que dans l’Aide financière aux études (AFE) ;
  • que l’horaire des cours obligatoires offerts le jour soit flexible et adapté aux réalités des parents aux études, c’est-à-dire à l’horaire des services éducatifs à la petite enfance;
  • que 100 % de la pension alimentaire pour enfants et de la rente de conjoint survivant et d’orphelin cessent d’être considérées comme un revenu du parent-étudiant dans le calcul de l’aide financière aux études;
  • des montants suffisants soient alloués aux parents étudiant.e.s et/ou proche aidant.e.s afin de permettre une couverture complète des frais de garde de jour et de répit, de soir et de fin de semaine, et ce, tout au long de l’année ;
  • l’aide financière aux études corresponde aux coûts réels des frais de subsistance à la vie étudiante et minimise l’endettement des parents aux études ;
  • l’aide financière aux études soit bonifiée pour tous les étudiant.e.s qui sont parents et proche aidant.e.s ;
  • le seuil d’exemption du revenu de l’étudiant qui est parent et/ou proche aidant-e soit haussé considérablement compte tenu de ses obligations financières familiales ;
  • le seuil de revenu familial à partir duquel une contribution parentale est requise soit haussé à 45 000 $;
  • que le gouvernement du Québec investisse les sommes nécessaires pour permettre aux étudiant.e.s internationaux qui sont parents ou proches aidant.e.s, ainsi qu’à leur famille, d’avoir accès à des services de santé et à des services sociaux de qualité, universels et gratuits.

[1]Conseil supérieur de l’Éducation. Parce que les façons de réaliser un projet d’études universitaires ont changé…, Québec, juin 2013.

[2] Fast, Janet, Norah Keating, Jacquie Eales, Choong Kim et Yeonjung Lee. Recherche en bref : Au-delà des « aperçus ponctuels », les soins familiaux analysés « tout au long de la vie, L’Institut Vanier de la famille, 2019, https://institutvanier.ca/recherche-en-bref-au-dela-des-apercus-ponctuels-les-soins-familiaux-analyses-tout-au-long-de-la-vie/.

[3] Association des parents-étudiants de l’Université Laval. Mémoire sur les parents-étudiants : Ensemble pour la conciliation famille-études-travail, novembre 2017, http://www.apetul.asso.ulaval.ca/docs/memoire-politique-familiale.pdf.

[4] Fast, Janet. Caregiving for Older Adults with Disabilities: Present Costs, Future Challenges, Institut de recherche en politiques publiques, 2015, http://irpp.org/fr/research-studies/caregiving-for-older-adults-with-disabilities-present-costs-future-challenges/.

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