La proche aidance

Sans en faire une définition formelle, la Coalition considère qu’une personne proche aidante assure, volontairement ou par nécessité, du soutien ou des soins à un membre de son entourage. Par exemple, s’occuper d’un enfant lourdement handicapé, de plus ou de moins de 18 ans, est une tâche exigeante et peu soutenue par les politiques en place. Elle assume ce rôle au domicile de la personne, à son propre domicile ou dans un centre d’hébergement public ou privé. Ses responsabilités vont au-delà des soins de santé, car elles incluent le soutien émotionnel, et les tâches familiales, domestiques, administratives, financières ou sociales que la personne aidée n’est plus en mesure d’assurer seule[1]. La coordination des soins de santé accroît la charge mentale et donc le présentéisme[2] et le fait de devoir quitter précipitamment son travail pour résoudre une urgence.

Selon la chercheuse Janet Fast, 82 pour cent des personnes proches aidantes âgées de 19 à 70 ans exercent un emploi, 69 % des femmes et 72% des hommes à temps plein. Actuellement 30% de la population active s’occupe d’un proche ayant besoin d’aide. En 2012, 46% des Canadiens et Canadiennes (13 millions) avaient déjà connu au moins un épisode d’aide qui a duré 6 mois et plus depuis l’âge de 15 ans. Les femmes et les personnes âgées de 45 ans ou plus sont surreprésentées parmi ce groupe[3]. Les personnes proches aidantes peuvent aussi être aux études, ou recourir à l’aide sociale ou être dépendante financièrement d’un conjoint ou une conjointe, notamment si elles ont été obligées de renoncer à un emploi en raison de leurs responsabilités.

Alors que 74% des personnes proches aidantes ont consacré moins de 10 heures par semaine à cette tâche, 10% ont effectué 30 heures ou plus. Parmi ces personnes, 84 % s’occupent de membres de leur famille, alors que 16 % prennent soin d’un ami/amie ou d’un voisin/voisine ; 20% vivent avec la personne aidée. Selon le Conference Board of Canada, les personnes proches aidantes de 45 ans et plus, à elles seules, ont fourni 15,5 milliards d’heures en 2007, soit 10 fois plus que les soins rémunérés[4].

Le rôle des personnes proches aidantes, quand il n’entraîne pas l’abandon de l’emploi, conduit à une diminution des heures travaillées et la perte d’occasions de promotion ainsi qu’une réduction des pensions éventuelles, des prestations d’autres programmes sociaux et des avantages sociaux offerts par l’employeur. Les personnes aux études doivent prendre plus de temps pour obtenir leur diplôme et renoncent aussi à une partie importante de leurs gains et avantages sociaux au cours de leur vie d’adulte. L’utilisation d’une partie de leur propre temps de loisir, ainsi que le stress relié aux responsabilités pour autrui ont aussi un impact néfaste sur la santé et le bien-être de la personne proche aidante.

Fast observe que les pertes reliées aux heures de travail réduites ou au retrait d’un emploi rémunéré peuvent varier de quelques centaines de dollars par année à plus de 120 000$. La plupart des personnes aidantes doivent aussi assumer des dépenses pour la personne aidée ou pour des services de rechange pour leur propre travail (garde d’enfants, travail de ménage, transport, etc.) et, cela, malgré le fait qu’elles subissent déjà un revenu réduit. Pour leur part, les employeurs perdent des milliards de dollars chaque année en raison de l’absentéisme, des congés, la nécessité de remplacer des personnes qui ont quitté leur emploi, une productivité réduite et un coût plus élevé pour les assurances[5].

La grande variété de tâches accomplies, d’heures consacrées, de relations entre la personne aidante et celle qu’elle aide rend difficile la définition d’un statut de proche aidante/proche aidant pour les fins d’établir des politiques de soutien qui sont, globalement insuffisante. Les diverses politiques en vigueur utilisent des définitions différentes, ce qui crée des iniquités dans l’accès aux mesures.

Ainsi, la Coalition pour une conciliation famille-travail-études revendique notamment :

  • que les absences pour cause de décès soient accessibles à toutes les personnes proches aidantes, peu importe le statut relationnel et familial;
  • une prestation de remplacement du revenu en fonction des heures travaillées pour les personnes proches aidantes ;
  • une prestation de remplacement du revenu même si la personne proche aidante doit arrêter complètement de travailler;
  • des montants suffisants soient alloués aux parents étudiant.e.s et/ou proche aidant.e.s afin de permettre une couverture complète des frais de garde de jour et de répit, de soir et de fin de semaine, et ce, tout au long de l’année;
  • l’aide financière aux études soit bonifiée pour tous les étudiant.e.s qui sont parents et proche aidant.e.s;
  • le seuil d’exemption du revenu de l’étudiant qui est parent et/ou proche aidant-e soit haussé considérablement compte tenu de ses obligations financières familiales;
  • le développement de services de répit adaptés et accessibles pour permettre aux personnes proches aidantes de poursuivre leurs études et leurs activités familiales, professionnelles, sociales, bénévoles et personnelles;
  • revendique l’ouverture de la prestation de proche aidant.e aux cas de maladie chronique et le remplacement du critère de vie en danger par la gravité d’une situation de santé exigeant un accompagnement et un soutien intensif par un proche aidant et ce, peu importe le risque de décès imminent;
  • que, lorsqu’il y a lieu, plusieurs personnes proches aidantes d’une même personne en fin de vie puissent simultanément être admissibles à la prestation de compassion et recevoir, chacun, les montants applicables à la situation, soit la totalité des 26 semaines (ou 35 semaines pour les enfants) de prestations de compassion;
  • la suppression de la semaine de carence et la réduction du nombre d’heures de travail accumulées de 600 à 350 heures pour les prestations de proche aidant.e et de compassion.

[1]               Regroupement des aidants naturels du Québec, Valoriser et épauler les proches aidants, ces alliés incontournables pour un Québec équitable. Stratégie nationale de soutien aux proches aidants, 2018. http://ranq.qc.ca/wp-content/uploads/2018/03/Strategie-nationale_RANQ.pdf

[2]               Le présentéisme fait référence ici au fait qu’une travailleuse ou un travailleur soit physiquement présent au travail mais que ses préoccupations ne lui permettent pas d’assurer normalement son rôle professionnel.

[3] Fast, Janet, Caregiving for Older Adults with Disabilities: Present Costs, Future Challenges. Institut de recherche en politiques publiques, 2015. Consulté à l’adresse http://irpp.org/fr/research-studies/caregiving-for-older-adults-with-disabilities-present-costs-future-challenges/. Les femmes ne représenteraient que 54% des personnes qui offrent de l’aide, mais elles font beaucoup plus d’heures que les hommes et quittent leur emploi plus souvent pour le faire.

[4] Ibid.

[5] Fast recense les différentes études qui traitent de ces questions, mais souligne que les informations sont insuffisantes pour estimer les coûts totaux ou moyens.

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